Arrivée à Tikehau
La traversée d'Apataki à Tikehau, longue de 140 MN, se déroule aisément sous spi, tout réparé (merci Nico pour la réparation impeccable !), durant la journée avec des pointes à plus de 11 noeuds. Puis au soir nous rentrons le spi et envoyons le génois histoire de ralentir l'allure et d'arriver au petit matin à Tikehau. Le courant dans la passe ne sera de toute manière entrant qu'à partir de 10h du matin, inutile d'arriver trop tôt. Gil, le réalisateur qui nous suit pour Thalassa, profite bien de la navigation. Cette fois-ci, il n'est pas malade. J'ai de légers soucis avec le pilote à cause d'un câble qui fait un mauvais contact mais je n'arrive pas à trouver où. Probablement au niveau du moteur hydraulique du pilote. Je titille le câble, ça tient deux à trois heures et je recommence. Ca marche comme cela.
Une fois la passe franchie, nous devons encore remonter contre le vent qui est en plein dans le chenal. Nous tirons donc des bords pendant deux heures sous un énorme grain pour finir, trempés, par accoster au quai de Tikehau où trois catamarans sont déjà amarrés.
A peine arrivés, nous rencontrons Vincent, moniteur de plongée et photographe sous-marin. Il va nous emmener sur l'un des plus beaux spot de plongée au monde, notamment pour les raies manta. Yann Hubert, un éminent caméraman sous-marin et ami de Gil, nous rejoint également. Il fera les images de nos plongées. Gil nous apprend qu'il compte aussi faire plonger en bouteille Romane et Thomas. Cath et moi sommes ravis, c'est une expérience unique pour leurs âges que de pouvoir trouver un moniteur qui accepte de les faire plonger sur le site des raies manta. Pour ce faire, ils ont même fait venir de Rangiroa une bouteille spéciale pour enfant dénommée un "biberon".
Plongées avec les Raies Manta
Le lendemain, nous filons à 2 MN du quai sous voile pour aller mouiller sous le vent d'une ancienne ferme perlière maintenant abandonnée. Il s'agit d'un site où les raies manta viennent se faire nettoyer par de petits poissons, le tout dans trois à six mètres d'eau. Vincent explique aux enfants quelques règles avant la plongée : les signes pour communiquer sous l'eau (tout va bien, problème, on veut remonter), comment décompresser et le comportement à avoir avec les animaux (ne pas chercher à les toucher, ne pas les suivre, on se pose à un endroit et on attend que les animaux viennent à vous).
Une fois équipés, les enfants se mettent à l'eau avec leur biberon, Cath et moi sommes épatés par leur aisance. Vincent assure bien au niveau encadrement et nous avons confiance en lui. Nous restons en retrait car Gil souhaite faire des images uniquement avec les enfants. Les raies viennent survoler les enfants qui profitent pleinement du spectacle extraordinaire qu'ils vivent. Ce moment restera à coup sûr un des temps fort de notre périple. Nous reviendrons deux jours d'affilé pour effectuer toutes les prises de vue nécessaires au montage de l'émission de Thalassa. Les enfants se prêtent bien au jeu et sont ravis de retourner voir les raies manta.
Plongée dans la passe
Nous partons ensuite faire une plongée avec Vincent dans la passe, mais uniquement Cath et moi cette fois-ci (trop dangeureux pour les enfants). Cath a un peu d'appréhension depuis son baptème à Curaçao où elle avait attrapé une migraine pendant 3 jours. Mais ici, tout se passe bien, nous descendons à quinze mètres et profitons du spectacle sur le tombant du récit à l'extérieur de la passe. Spectacle magnifique que de voir la foule de poissons (petits ou grands) évoluer dans l'océan. Nous allons voir quelques requins dormeurs cachés dans une faille, puis un poisson-pierre. Au total, nous passons trois quart d'heure sous l'eau. A la remontée, j'ai juste un petit mal à l'oreille gauche, donc je modère ma remontée pour y aller petit à petit.
Le monde de la plongée et le monde des voileux sont deux mondes distincts. Assez peu de voileux font de la plongée finalement. Et pourtant que c'est beau sous l'eau. En voilier, on pratique intensément le snorkeling mais plonger avec des bouteilles donne une autre approche du monde du silence. On a le temps de regarder au fond, on se sent beaucoup plus immergé dans ce milieu qu'en snorkeling (et pour cause,on l'est plus !).
J'hésitais à passer mon premier niveau (ou PADI 1) en plongée bouteille à Fakarava, le prix m'avait fait reculer. Mais finalement l'excitation de ces plongées me pousse à le faire ici à Tikehau, sans compter le fait que Vincent est un excellent moniteur. Le fait d'avoir mon premier niveau me permettra ensuite de pouvoir plonger en club facilement et surtout sur des spots intéressant. Sans niveau, on se cantonne aux baptèmes assez limités finalement.
Le village de Tuherahera
Tikehau possède un seul village situé au sud de l'atoll. Nous y sommes au quai puis à la marina (gratuite !) au ponton. Après le départ de Gil, nous retrouvons enfin un peu de repos : après un mois de chantier à bosser dans la chaleur, dans la poussière de ponçage et dans un bordel innommable dans le bateau, nous avions besoin de nous poser quelques jours à rien faire pour nous remettre. Nous en profitons pour mieux découvrir le village dont la joliesse n'a d'égale que la gentillesse de ses habitants. Maisons et jardins sont agréablement entretenus et fleuris, il fait bon s'y promener et la circulation reste assez faible pour ne pas incommoder la ballade.
Cath tombe amoureuse de Tikehau et me dit que si je veux m'installer dans les Tuamotu, c'est ici ! Euh, oui bon, on verra un peu plus tard pour ce sujet... non parce que la dernière fois, on a déjà parlé de faire un tour du monde pendant 35 ans, si en plus maintenant on dit qu'on s'installe à Tikehau... les mamies vont vraiment nous en vouloir !
Le jour de la Toussaint nous voit nous ballader jusqu'au cimetière pour voir comment les habitants de Tikehau qui ne sont pas des Paumotu m'a-t-on dit (je pensais que les Paumotu étaient tous les habitants des tuamotu, à vérifier...) ont décoré les tombes de leur anciens. Les tombes sont principalement décorés avec de fausses fleurs mais belles et le cimetière est très propre.
Nous voyons deux tombes de chinois entièrement écrite en caractère chinois (cf photo ci-contre). Il faut savoir que la population des Tuamotus compte un grand nombre de chinois qui tenaient et tiennent toujours une part importante de l'économie locale (la perliculture notamment où le numéro un de la Polynésie n'est autre que Wan, un chinois).
Autrefois souvent railler, les chinois ont participé pleinement à l'essort de la Polynésie française. Le racisme qui avait cours (que l'on peut constater dans les livres de la première moitié du XIXe siècle) n'a plus cours m'a-t-on dit mais je pense qu'il reste hélas encore une différenciation entre Polynésien et Chinois.
Au Tuamotu, la croyance sur les anciens est spécifique. Elle reste plus païenne que judéo-chrétienne : ils sont persuadés que les morts se balladent la nuit sur les motus et les Paumotu pensent que certains morts sont maléfiques (portent malchance ou jouent des tours) tandis que d'autres sont bénéfiques et cools. Je vous assure que cela fait bizarre la première fois qu'un Paumotu vous parle des morts qu'il voit régulièrement la nuit. Au début, vous vous dîtes qu'il vous fait une blague mais après un quart d'heure, vous comprenez qu'il est tout ce qu'il y a de plus sérieux alors vous l'écoutez avec respect comme il se doit.
Libre à chacun de penser ce qu'il souhaite. Après tout, ce n'est pas plus idiot que de croire qu'un crucifié puisse ressuciter, non ? Euh bon, je ne veux pas polémiquer (ni personne d'autres d'ailleurs !) alors pas de commentaire sur ce sujet svp. Mais bon, les Paumotu, même si les missionnaires les ont contraint à adopter leur religion monothéiste, conservent une part non négligeable de leur croyance, si ce n'est païenne, en tout cas historique.